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PROTECTION DES CÉRÉALES Mettreen place le puzzle

La recherche pour une protection efficace avec moins de chimie, avance. Reste à trouver les bonnes pièces et surtout àles combiner de façon optimale. Les pistes sont prometteuses.

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«Hier, il suffisait de trouver une molécule pour résoudre un problème de protection des plantes. Aujourd'hui, l'innovation est composite, multifacette, elle est aussi agronomique », a déclaré Jacques Mathieu, directeur délégué d'Arvalis-Institut du végétal, en ouverture du congrès Phloème, les 24 et 25 janvier à Paris. Ces premières « Biennales de l'innovation céréalière » ont rassemblé plus de six cents acteurs de la filière.Une demi-journée portait sur la protection des plantes. Pas de solution miracle, mais des pistes pour enrichir la palette disponible, comme les agroéquipements ou les médiateurs chimiques (lire encadrés).

Contre les maladies du blé, un projet vise à utiliser des micro-organismes tunisiens et marocains, contre l'oïdium et la septoriose. « Dans les champs, en Tunisie et au Maroc, des zones avec moins de maladies ont été repérées, relate Cédric Jacquard, à l'université de Reims. Des chercheurs ont prélevé du sol, et isolé des micro-organismes, plus précisément des bactéries, pour voir si elles sont responsables d'une moindre attaque de maladie sur les plantes.

Extraire des bactériesdu sol contre les maladies

près élimination des souches pathogènes pour l'homme, et rapprochement des souches de la même famille, cinq ont été retenues en Tunisie, et quatre au Maroc. Elles vont maintenant être étudiées au laboratoire, pour voir si elles sont déjà connues, et comprendre leurs éventuels effets bénéfiques. S'agit-il d'un effet direct sur le pathogène ? Ou d'une stimulation des défenses des plantes ? Ensuite, des essais au champ sont prévus en Tunisie et au Maroc, lors des semis de blé 2018, avec les micro-organismes en enrobage de semence. « L'enrobage nous paraît le plus approprié, justifie Cédric Jacquard. Mais si la bactérie ne persiste pas dans le sol, il faudra peut-être repasser en pulvérisation. »

Le projet, débuté en mai 2016, doit se terminer en mai 2019, avec l'étude des résultats au champ. S'ils sont concluants, des tests dans les parcelles pourront être faits dans l'Hexagone. Sous réserve que la bactérie soit déjà présente en Europe : « Sinon, c'est interdit, précise le chercheur. Si c'est le cas on cherchera une souche européenne similaire, avec les mêmes caractéristiques. » Pourquoi, alors, commencer l'expérimentation en traversant la Méditerranée ? « Ce sont des conditions plus extrêmes, et au vu du réchauffement climatique, c'est intéressant d'aller au sud », répond Cédric Jacquard.

La coopérative rémoise Acolyance est partie prenante du projet. « C'est la partie laboratoire pour l'instant, nous ne pouvons pas apporter grand-chose. Mais nous ferons les tests grandeur nature », indique Frédéric Adam, responsable agronomie de la coopérative. Et si tout fonctionne, les chercheurs se rapprocheront d'industriels pour le développement du produit. La route est longue.

Terre Comtoise : la moitié des T1 en biocontrôle

Quant aux produits déjà sortis, « depuis trois ans, on fait plus d'essais en biocontrôle que d'essais classiques en fongicides, témoigne Marc Delattre, responsable agronomique, chez Dijon céréales. On teste notamment le soufre et le Vacciplant pour réduire les doses. Economiquement les deux tiennent la route, mais l'équation technique est meilleure avec le soufre. On passe en T1 avec une demi-dose et du biocontrôle, et en T2 avec une dose d'usage. C'est plus compliqué de réduire sur le T2 ».

Et l'adoption par les agriculteurs progresse. « Chez Terre Comtoise, par exemple, la moitié des T1 sont faits de cette manière, avec demi-dose et biocontrôle », chiffre Marc Delattre. « Il y a un besoin de recherche constant en biocontrôle et d'ingénierie, martèle Christian Rannou, à l'Inra. Pour passer de la bestiole, par exemple le trichogramme, à la production, c'est un gros travail. » Pour le chercheur, d'autres produits et d'autres solutions vont apparaître. Au-delà, il milite pour une vision globale : « Avec les trichogrammes, on traite un problème. Il faut arriver à disposer d'un système complet, en utilisant l'ensemble des armes à notre disposition. Il manque un travail d'ingénierie écologique, pour construire un système de protection global autour d'une culture. » Son autre message concerne la génétique. « La résistance variétale est un levier important, mais on l'utilise très mal, appuie Christian Rannou. A quelle échelle faut-il raisonner ? A la parcelle ? Non. Il faut travailler à l'échelle du paysage. Quand on regarde la sévérité des attaques de rouille et la diversité de la sole de blé tendre, plus la sole est diversifiée, moins il y a de maladie. Il faut sortir de la parcelle et considérer le territoire. » C'est le point fondamental évoqué par plusieurs intervenants du congrès : il faut trouver des solutions, mais surtout les articuler de façon optimale, en fonction des situations données. Un peu comme l'assemblage des pièces d'un puzzle.

Marion Coisne

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